Episode 4

HUSKER : Ceron ? Qu’est-ce que Ceron a à voir avec tout ça ?
JOSE : Qui est Ceron ? Bigot, Flux n’est jamais là quand on a besoin de lui !
HUSKER : Ceron est un bandit qui semble être sorti de nulle part il y a quelques mois et qui a sans aucune explication acquis une certaine réputation en très peu de temps. Personne n’avait jamais entendu parler de lui, et quelques jours plus tard, ce type a une armée d’orcs à ses ordres et s’attaque directement au parrain de la mafia de Rugbura !
VISALA : Comment est-ce que tu sais tout ça ? Nous sommes à des centaines de kilomètres !
HUSKER : Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, savoir ce genre de choses est un peu ma spécialité. Et j’ai des indics.
VISALA : Des ivrognes au bar.
HUSKER : Est-ce qu’on doit vraiment reparler de ça maintenant ?
TARRUS : Non. Pas si vous tenez à retrouver vos amis vivants.
HUSKER : Je ne suis pas certain qu’une poignée d’orcs suffisent à venir à bout de mon frère.
JOSE : Flux, peut-être, surement, mais pas Cavil. Ce gars sait se battre.
Remarquant la détresse grandissante sur le visage de Tarrus, jusqu’alors impassible, je me résolus à prendre les choses en main, réalisant non sans une certaine appréhension qu’en l’absence de Roxane, j’avais la responsabilité d’influencer Jose et Husker dès que j’aurais décidé de la meilleure marche à suivre. Et si je voulais sauver Flux et Cavil, je ne voyais d’autre choix que d’accorder à ce mystérieux inconnu le bénéfice du doute.
VISALA : Allons-y.
Tarrus m’adressa un très bref sourire, visiblement soulagé, même s’il semblait étrangement s’être attendu à ce dénouement.
Husker, lui, était de toute évidence surpris.
HUSKER : Quoi ? On va faire confiance à ce mec dont on ne sait rien ?
JOSE : Orc.
HUSKER : Il pourrait être à la recherche du trésor ! Qu’est-ce qui l’empêche de nous abattre dès qu’on aura le dos tourné ?
VISALA : Jose ?
Jose me fit un clin d’oeil et afficha un sourire chaleureux, passant un bras autour de mes épaules.
JOSE : Ouais, ok, on y va.
Nous suivîmes Tarrus, qui ne perdit pas une seconde de plus, et j’entendis rapidement les inévitables bruits de pas de Husker quelques mètres derrière nous.
HUSKER : Si je ne suis pas riche à la fin de la journée, je vais vraiment vous en vouloir.
JOSE : Mais sérieusement les gars, est-ce qu'on ferait pas mieux d'aller rapidement chercher la liqueur avant ?

Tarrus, à présent aux commandes de notre équipe, estima comme moi qu’il était préférable de rester discrets si nous voulions garder l’avantage sur notre adversaire, un plan qui me plut sans surprise bien plus qu’à Jose. Husker quant à lui, n’était toujours pas emballé à l’idée de suivre Tarrus.
JOSE : Pourquoi faut toujours être discrets ? A quoi ça sert que Roxane prenne des vacances si on peut pas s’amuser ?
VISALA : C’est du travail d’équipe Jose, si ça ne fonctionne pas tu pourras taper sur tout le monde.
JOSE : Pff... Tu dis juste ça pour me faire plaisir.
HUSKER : Je ne m’inquièterais pas trop si j’étais toi, Jose, à  la seconde où on aura trouvé le trésor, je suis prêt à parier que des dizaines de types sortiront comme par magie de nulle part, pas vrai Garrus ?
TARRUS : C’est Tarrus. Et ils vous attendent déjà. Et il n’y a aucun trésor.
Husker s’arrêta net, prêt à tourner de l’oeil.
HUSKER : Quoi ?
TARRUS : Le trésor n’était qu’un piège.
HUSKER : Qui tendrait un piège aussi cruel, bordel ?!
TARRUS : Je vous expliquerai tout en temps et en heure, mais pour le moment, nous devons avancer.
VISALA : Il a raison, Husker, continuons. Cavil et Flux ont besoin de nous.
JOSE : Encore une fois, surtout Flux, mais oui.

Cavil et Flux avaient en effet connu des jours meilleurs. Encerclés, les mains ligotées derrière le dos, ils ne pouvaient que suivre patiemment les directives de leurs ravisseurs armés jusqu’aux crocs.
Nous sortîmes de notre tunnel sur une plateforme à peine assez grande pour nous quatre surplombant la caverne dans laquelle nos amis étaient retenus et nous cachâmes rapidement derrière le rocher que nous indiquait Tarrus.
Husker afficha un air triomphal et laissa échapper un éclat de rire juste assez bas pour être toujours considéré comme un chuchottement.
HUSKER : Je vous avais dit qu’il y avait un trésor dans ce trou à rats !
Ayant agenouillé leurs deux otages contre la paroi la plus éloignée de la grotte, les orcs, bien plus nombreux que je les avais imaginés, s’étaient en effet rassemblés autour d’un coffre de bois poussiéreux et si massif que même Jose aurait probablement pu tenir dedans.
HUSKER : Comment on va ramener ce truc jusqu’au 4X4 ? Tu te sens de porter ça, Jose ?
JOSE : Pour un prix.
HUSKER : Enfoiré...
TARRUS : Ce n’est pas un trésor.
VISALA : Ca ressemble à un trésor...
TARRUS : Restez cachés.
Sans un mot de plus, Tarrus se redressa et se laissa glisser aussi prudemment que furtivement le long de la pente abrupte qui menait sur la terre ferme. Retenant mon souffle, paralysée par l’inquiétude, je l’observai d’un oeil discret contourner l’ennemi incrédule, surprise de l’agilité et de la finesse des mouvements de l’orc, que j’aurais imaginés plus brusques et grossiers, en accord avec tous les stéréotypes que mes quelques voyages n’avaient encore pas contredits.
Les mercenaires s’approchèrent du coffre, manifestement impatients, et je posai une main sur celle de Jose, que je devinai prête à dégaîner son revolver par mesure de précaution, confiante pour une raison que j’étais incapable d’expliquer en l’honnêteté de Tarrus et en sa capacité à arranger la situation sans excès de violence.
Me retenant tout juste de trembler d’anticipation, je ne remarquai pas tout de suite la position de ma jambe, et ne sentis que trop tard la pierre que j’avais délogée d’un coup de pied involontaire et qui plongeait à présent inévitablement vers le plancher rocailleux.
Mon coeur manqua un battement, ainsi que celui de Husker à en juger par l’expression de défaite déjà dessinée sur son visage alors que ses yeux aquilins suivaient l’interminable trajectoire du caillou qui promettait de trahir notre présence.
La pierre toucha enfin le sol, mais aucun regard ne se posa sur nous, car le son de l’impact fut contre toute attente masqué par la voix de Tarrus, qui était sorti de l’ombre précisément au bon moment, comme s’il avait prévu ma maladresse et était intervenu juste à temps pour la réparer.
TARRUS : Attendez.
Tous firent volte face et pointèrent leurs fusils dans la direction de notre compagnon, bien trop calme à mon goût pour quelqu’un dans sa situation.
ORC : Tarrus ? Qu’est-ce que tu fais encore ici, sale traître ?
TARRUS : Je ne suis pas là pour le trésor, si c’est ce qui vous inquiète. Je suis ici pour négocier.
ORC : On te l’a déjà dit, on ne laissera pas cette sorcière nous laver le cerveau aussi !
Husker se pencha vers Jose et moi pour murmurer sa stupéfaction.
HUSKER : Ceron est une femme ?!
TARRUS : Worekz peut être vaincu si nous unissons nos forces. Toute cette violence inutile peut prendre fin si vous me faîtes confiance !
ORC : Je te respectais, Tarrus. Tu étais l’un des notres. Tu n’es plus qu’un chien, aux ordres de cette folle, comme tous les autres.
TARRUS : J’ai essayé de vous prévenir. De vous faire voir la vérité. Ceron n’est pas votre ennemie. Elle n’est l’ennemie de personne.
ORC : Si ses prédictions sont si infaillibles, pourquoi est-ce qu’elle n’a pas su trouver le trésor de Knaas ? Notre patron y est arrivé, lui, sans pouvoirs divins !
TARRUS : Ceron n’est pas intéressée par le trésor de Knaas.
L’orc rugit de rire, posant une main assurée sur le couvercle du coffre et crachant sa réponse à celui qui avait de toute évidence un jour été son ami.
ORC : As-tu la moindre idée de ce qui se trouve à l’intérieur, Tarrus ?
TARRUS : Oui.
ORC : La fin de tous nos problèmes ! L’arme ultime, pour écraser une bonne fois pour toute cette insolente de Ceron !
Il agita un doigt accusateur dans la direction de Tarrus.
ORC : Tu aurais pu rester avec nous, Worekz t’a laissé ta chance...
Secouant la tête d’un air désespéré, Tarrus répondit d’une voix grave.
TARRUS : Ouvre le coffre.
L’orc obéit, un rictus aux lèvres. Je n’entendis jamais son cri, car le monde s’effondra autour de nous dans un rugissement aussi inattendu que terrifiant. Jose m’enveloppa dans ses bras pour me protéger des stalagtites qui pleuvaient sur nos têtes, explosant en centaines d’éclats tranchants projetés partout autour de nous.
Tarrus ne nous avait pas menti. Le trésor de Knaas était un piège.
C’était une bombe, assez puissante pour nous ensevelir vivants.
A suivre...